Jeu de rôle : Ars Magica 5ème édition, l’Europe Mythique et l’Ordre d’Hermes dans toute leur splendeur

Posté le 3 décembre 2014 par

Alors qu’Alliance, premier supplément de cette nouvelle gamme, arrive chez nous, il est de bon ton de revenir sur le livre de base d’Ars Magica 5ème édition, édité par Atlas Game, et traduit en français grâce aux Ludopathes.

Mais avant de parler de l’ouvrage proprement dit, un peu d’histoire s’impose. Ars Magica voit le jour en 1987, mais il faut attendre la troisième édition, en 1993, pour que le jeu soit disponible en français. Alors attaché à White Wolf (et traduit par Descartes), il se présente comme une version moyenâgeuse de Mages (un des jeux de l’univers de White Wolf, centré sur les créatures éponymes), mais s’intéressant exclusivement à l’Ordre d’Hermes (une catégorie de mages, regroupés en un ordre structuré). Ars Magica utilise cependant un système totalement différent de celui du Monde des Ténèbres. Pourtant, le connaisseur voit nombre de choses qui lui parlent, comme les Tremere, encore mages (mais, par la suite, certains essaieront de devenir vampires et, dans l’univers White Wolf, y parviendront), la présence de Doïssetep, plus grande Alliance du sud de la France, et d’autres détails reliant les deux jeux. L’action d’Ars Magica se déroule en 1197 et, plaçant nombre de ses scénarios et suppléments dans le sud de la France (bien que des ouvrages particuliers explorent une grande partie des régions d’Europe, permettant de jouer où le conteur le désire), donne une grande importance aux Cathares et à la Croisade qui verra le jour pour les éradiquer (une campagne, en particulier, s’y penche d’une manière mystique). Cependant, il s’agit ici d’une Europe mythique, dans laquelle, bien entendu la magie existe, mais aussi nombre de créatures étranges, les êtres féeriques, ou encore les miracles. Les maladies y sont propagées par le déséquilibre des humeurs ou par des démons (et donc, en soi, ne sont pas contagieuses), et d’autres détails diffèrent de l’Europe telle que l’Histoire en parle. Cependant, Ars Magica s’intéresse grandement à l’Histoire, et se veut très différent d’un jeu se déroulant dans un univers médiéval-fantastique.

ars magica collector

Dès la quatrième extension (jamais traduite), l’action se déplace en 1220, et les dissidents Tremeres sont éradiqués. En effet, Ars Magica n’est plus détenu par White Wolf mais par Atlas Game (mais entre-temps, est dans les mains de Wizards of the Coast, qui a publié de nombreux suppléments), et se doit de prendre une direction l’éloignant de Mages. Après la parution en anglais de cette cinquième édition qui nous concerne, les droits furent achetés par les Ludopathes, qui lancèrent une campagne Ulule pour le traduire et le publier.

Les créateurs du jeu son Jonathan Tweet et Mark Rein-Hagen. Le premier a entre-autre travaillé sur la troisième édition de Donjons et Dragons. Le second a contribué à la création de l’inoubliable Vampire : La mascarade(autre jeu du Monde des Ténèbres), dont la version française de l’édition vingtième anniversaire ne devrait plus tarder.

La campagne de financement lancée par les Ludopathes fut un tel succès, qu’ils purent sortir le livre tout en couleur, avec nombre de goodies, comme une carte de l’Europe en tissu, un set de dés personnalisés, un grimoire du mage à part, et un petit écran permettant de patienter avant l’écran officiel. De plus, le jeu fut publié en version classique, avec une couverture choisie par les internautes mais donnant une fausse image du jeu (magnifique certes, elle présente une grande guerre, un magicien en son centre, alors que les mages se doivent d’éviter ce genre de conflit, et que les combats sont terriblement secondaires), ou collector, la superbe couverture présentant une imitation cuir. Le livre et les goodies mirent un certain temps à parvenir entre les mains des souscripteurs, mais l’attente ne fut pas vaine, tant l’objet et ses à-côtés étaient superbes.

Ars Magica 5ème édition en français est donc, d’abord, un sublime objet rempli de magnifiques illustrations en couleur, qui rendent la lecture plus agréable, ce qui n’est pas un mal. En effet, ce jeu de rôle, empli de calculs et de tables, est assez exigeant.

Il fait partie de cette ancienne génération de jeux de rôle, demandant un système complexe, beaucoup de tableaux, des calculs, des exceptions et nombre d’explications. C’est en effet essentiel pour un jeu aussi riche et atypique. Ars Magica se déroule dans une version mythique de l’Europe, en 1220, emplie de magie. Mais nous sommes très loin des magiciens de Donjons et Dragons, qui partent à l’aventure tout le temps, gagnant de l’expérience en tuant des monstres et, tous les niveaux, acquérant de nouveaux sorts, toujours plus puissants. Les mages qui nous intéressent passent énormément de temps dan des laboratoires, à lire, enseigner, écrire, inventer de nouveaux sorts, créer des objets magiques et autres, à tel point qu’une aventure est une distraction dans leurs tâches, à ne pas prendre à la légère. Les règles couvrent toutes ces activités, et demandent de la concentration de la part du conteur, qui devra souvent se pencher dessus au fil des recherches de ses joueurs, avant d’en maîtriser les différents aspects. Mais cette exigence mérite d’être tentée, tant elle permet des libertés. Il est en effet très gratifiant, pour le joueur comme pour le conteur, d’inventer un nouveau sort, de réussir à pénétrer dans le domaine parallèle d’un seigneur féerique (un regio) et de s’en faire un allié ou, après de longues recherches, de trouver suffisamment de matériel magique (du virtus) pour lancer un rituel puissant.

Ars magica

Les joueurs se doivent de perdre rapidement leur passivité, qui consiste, comme souvent dans les jeux de rôle, à ce que le conteur leur propose des aventures, des quêtes ou des problèmes à résoudre, mais ils doivent prendre la destinée de leur mage en main. Vont-ils créer des alliances avec d’autres mages pour avoir accès à leur bibliothèque, chercher du virtus pour lancer des sorts puissants, devenir amis avec un seigneur mortel (vulgaire) pour éviter les conflits, aider les villageois résidant non-loin de chez-eux ? Ce sont nombre d’aventures passionnantes (et bien d’autres) qui peuvent attendre les joueurs, dans cette Europe autant historique que magique, et si conteur et joueurs s’investissent, Ars Magica peut devenir le plus prodigieux des jeux.

De surcroît, les joueurs ne font pas que créer un mage. Ils donnent aussi vie à un ou plusieurs personnages vulgaires. L’un est très important, et s’appelle le compagnon. Il s’agit d’un humain qui sort du lot, comme un chevalier, un marchand, un noble, ou un brigand, par exemple. Il permet de jouer dans des aventures quand les mages estiment que le problème à régler n’est pas assez important pour qu’ils interrompent leurs études. Tous les mages d’une Alliance se lancent rarement dans une quête en même temps, donc les joueurs d’un scénario sont souvent un mélange de compagnons et de mages. Souvent, ce sont les joueurs, qui déterminent qui part ou reste, selon les circonstances et les protagonistes disponibles (en effet, les compagnons ayant une vie hors de l’Alliance, ils n’ont pas toujours de grandes disponibilités). Les compagnons peuvent aussi servir d’intermédiaires entre les mages et le monde vulgaire. Car les sorciers sont rarement compétents pour la chasse, allumer un feu et autres activités qui les intéressent peu, et de plus, leurs capacités à pratiquer la magie les rend détestable pour les vulgaires et les animaux, le Don affectant leurs interactions sociales. Les autres personnages que les joueurs peuvent créer (le compagnon est obligatoire) sont des servants, des serviteurs basiques, qui sont là pour servir de ressorts comiques, de chairs à canon, ou dans de petites aventures sans envergures.

Mais c’est loin d’être tout ! En plus de créer plusieurs personnages, les joueurs, de manière collégiale, construisent leur Alliance (le supplément éponyme donnera tout ce qu’il faut pour cela, mais le livre de base confère suffisamment de choses pour jouer immédiatement), c’est à dire l’endroit où ils vont vivre, avec ses points forts et faibles, ses ressources, ses alliés et ses ennemis. Ainsi, selon l’endroit où ils résident, et comment est construit ce lieu, les mages le verront progresser, fructifier, une grande partie des aventures consistant à aider leur Alliance à devenir puissante et importante. Ce personnage commun est, par bien des côtés, le plus important de la saga.

Ars Magica est donc un jeu exigeant, qui convient à des joueurs plutôt matures, recherchant autre chose, dans le jeu de rôle, qu’à affronter des monstres. Mais, s’ils s’impliquent dans la campagne, il devient un jeu fascinant, qui mettra longtemps à livrer ses clés, mais qui promet d’inoubliables moments. De plus, cette édition française, bien que recelant quelques rares coquilles, est un petit bijou, magnifique, intelligent, clair, et permettant, malgré sa complexité, de facilement s’y retrouver tandis que le conteur cherche un passage particulier pendant sa partie.

Ars magica 2

Le seul point négatif vient de l’explication de l’Europe et du Moyen-Âge. Si les éditions précédentes possédaient plusieurs ouvrages centrés sur divers tribunaux d’Europe, et livrant nombre d’intéressants détails sur la vie en de l’époque, et s’il ne fait aucun doute que cette 5ème édition fera de même, les quelques pages du livre de base commencent mal. Après cette introduction, le livre donne des informations génériques mais bien choisies, mais, en débutant juste en parlant de châteaux et de chevaliers, et en donnant des idées pour mettre en scène « un élément qui fait médiéval », le livre irrite un peu. Heureusement, l’ouvrage se rattrape ensuite et devient plus pertinent, voir intéressant, et permet ainsi une bonne base en attendant des suppléments adaptés (même si le lecteur consciencieux aura intérêt à feuilleter quelques livres d’histoire).

Ars Magica est donc un des meilleurs jeux de rôle créé, mais de surcroît, cette 5ème édition est essentielle, modifiant énormément de choses. Ainsi, vertus et vices, lors de la création de personnage, se retrouvent nivelés (mineurs et majeurs, chaque catégorie valant le même nombre de points), et les Maisons de mages sont regroupées en catégories bien précises, ce qui apporte des choses intéressantes. De plus, la création des sorts est bien mieux expliquée, et l’ouvrage préfère mettre à disposition moins de sorts (surtout là à titre d’exemples), empêchant l’augmentation des portées grâce à du virtus, pour expliquer bien plus longuement comment les créer, et déterminer le niveau et les Arts utilisés.

Ainsi, toute personne recherchant un jeu de rôle surprenant, atypique, mais de longue haleine, ne peut que se diriger vers ce jeu. Mais toute personne aimant déjà Ars Magica et possédant les éditions précédentes, devrait s’intéresser à cet ouvrage, d’autant qu’Alliances vient d’arriver, et que Calebais ne devrait pas tarder à suivre, faisant d’Ars Magica une gamme qui a une belle vie devant elle.

Ars Magica 5ème édition, de Jonathan Tweet et Mark Rein-Hagen, disponible en français chez Les Ludopathes.

Imprimer


Laissez un commentaire


*